Mérites écologiques, gustatifs et santé, les aliments dits « fermentés » sont les chouchous des régimes en 2021. Mais peut-on croire tout ce qui se dit ? Ces allégations sont-elles étayées par la science ? Les personnes diabétiques ont-elles un intérêt particulier à consommer ce type d’aliments ? Le point sur ce que l’on sait avec Florence Valence, responsable du centre de ressources microbiologiques INRAE CIRM-BIA dédié aux bactéries d’intérêt alimentaire, Anne Thierry, chercheur à INRAE, spécialisée sur l’activité des micro-organismes d’intérêt dans les aliments fermentés
Un « aliment fermenté », c’est quoi exactement ?
Un aliment fermenté est un aliment qui a subi un processus de transformation sous l’action de micro-organismes (bactéries, levures, champignons filamenteux). La fermentation est une technique ancestrale utilisée pour conserver les aliments et avec le temps leur conférer des qualités gustatives, de texture et d’apparence particulières. Il existe plusieurs types de fermentation, dont les plus connues sont la fermentation lactique et la fermentation alcoolique. Presque tous les aliments peuvent fermenter (lait, légumes, fruits, légumineuses, céréales, viandes) de manière spontanée, dans des conditions particulières de conservation (avec du sel, à l’abri de la lumière ou de l’oxygène…), ou de manière dirigée lorsqu’on y introduit de manière intentionnelle des micro-organismes. Ainsi, la choucroute, les yaourts, les fromages, le vin, le pain au levain, les cornichons, le vinaigre, la sauce soja… font partie des quelque 5000 aliments fermentés connus à travers le monde.
Ils agiraient sur le microbiote… c’est-à-dire ?
Notre état de santé est lié à l’équilibre et à la diversité de notre microbiote (ou flore intestinale). Il est constitué de milliards de micro-organismes qui nous permettent, chaque jour, d’assurer une bonne digestion, de réguler notre système immunitaire (le défenseur de notre organisme), de synthétiser des vitamines et d’absorber des nutriments. En ingérant des aliments fermentés, nous accueillons non seulement certaines des bactéries, levures ou champignons qu’ils contiennent mais aussi, les produits issus de l'activité de ces micro-organismes : micro-nutriments spécifiques, enzymes, acides gras particuliers… Les premiers viennent coloniser de manière transitoire notre intestin, et les seconds constituent une nourriture spécifique pour notre propre flore ou bien exercent des bénéfices santé comme les vitamines par exemple. Ainsi, on peut dire que les aliments fermentés, dans leur globalité, interagissent de manière étroite avec notre microbiote !
On dit que c’est bon pour la santé, est-ce vrai ? Existe-t-il des bénéfices particuliers pour les personnes diabétiques ?
Ce que l’on sait scientifiquement, c’est qu’en modifiant les aliments, la fermentation effectue une sorte de « prédigestion » de la matière qui peut faciliter leur digestion. En fermentant, les aliments deviennent aussi plus acides (changement de pH) ce qui limite le développement de micro-organismes indésirables. Elle réduit aussi ou élimine le lactose présent dans les yaourts et les fromages qui sont ainsi mieux tolérés. Enfin, la fermentation permet une meilleure assimilation des sels minéraux contenus dans les graines et les légumineuses, en réduisant notamment l’acide phytique qu'elles contiennent et qui limite l’absorption intestinale de certains minéraux.
Quant aux potentiels effets sur la santé des personnes diabétiques, deux études récentes (1) semblent relever des activités anti-hypertensives potentielles en lien avec la consommation de céréales et de laits fermentés, et une réduction des facteurs de risques de diabète de type 2 en lien avec la consommation de yaourts mais aucun lien précis de cause à effet n’a été mis en évidence à ce jour. Il est donc complexe et prématuré de prêter des bénéfices ou allégations santé à ce type d’aliments.Des études scientifiques sont aujourd’hui en cours pour tenter de comprendre comment agissent les différents micro-organismes et les produits de leur fermentation sur l’organisme. Alors, en attendant que la recherche avance, mieux vaut privilégier une consommation diversifiée et équilibrée en tenant compte des qualités nutritionnelles de chaque aliment fermenté !
Références :
GIlle D et al. Fermented Food and Non-Communicable Chronic Diseases: A Review. Nutrients 2018.
Melini et al. Health promoting components in fermented foods: an up-to-date systematic review. Nutrients 2019.